

JEAN LESBORDES

« L’Arc ne m'a pas changé »
Entretien avec... Jean Lesbordes
Week END
Jean Lesbordes reçoit Claude Beniada
Il y a huit semaines, Urban Sea, entraînée par Jean Lesbordes, enlevait la plus belle course du monde, le Prix de l'Arc de Triomphe. Dimanche, à Tokyo, Urban Sea sera au départ de la Japan Cup, contre les meilleurs représentants européens, américains, australiens, néo-zélandais et, bien sur, japonais. Un nouveau challenge pour Jean Lesbordes, entraîneur atypique mais homme sincère.
CLAUDE BENIADA. - Huit semaines après la victoire dans l'Arc, qu'est ce qui a changé ?
JEAN LESBORDES. - Rien ! Certes j'ai bien pris un plaisir immense mais, dès le lendemain, tout était redevenu comme avant. Le travail a repris le dessus. Il fallait continuer à préparer mes autres chevaux pour leurs engagements à venir et notamment Urban Sea pour cette Japan Cup. Quand on gagne l'Arc, c'est que votre méthode a du bon. Pourquoi changer ?
C. B. - Jean Lesbordes, l'homme, n'a pas changé non plus. ?
J. L. - (grand éclat de rire). Sûrement pas. On se dit tout simplement que la dernière victoire était finalement plus facile à acquérir que la suivante. Et le doute s'insinue rapidement à nouveau dans votre esprit. Il faut garder les pieds sur terre. La grosse tête, très peu pour moi.
C. B. – Est ce que cette victoire vous a apporté uni nouvelle clientèle ?
J. L. - Pas vraiment. Pas pour l’instant en tout cal. J'ai des contacts, surtout en Extrême Orient, mais rien de concret. Je rentre d'un voyage d'une semaine à Hong Kong, mais dans notre métier la partie relations publiques est un travail de fond, de longue haleine. Comme l'entraînement des chevaux. Il faut de la patience. Il ne fallait pas s'attendre, après avoir gagné l'Arc, à voir un feu d'artifice tiré pour Jean Lesbordes ou les clients se ruer chez moi.
C. B. - Cet Arc a du améliorer l’ordinaire et aplanir vos problèmes de gestion ?
J. L - Il est certain que Je suis dans une meilleure situation après la victoire dans l'Arc, qu'avant. Mais il s’agit de difficultés d'ordre commercial, financières, qui sont le lot de beaucoup d'entraîneurs. Sur le plan des résultats, ce qui est bien sur tout aussi important, la constance a toujours été "un des points forts de la « maison ». Il faut bien se dire cependant que dans ce métier rien n'est jamais acquis et que l'on peut retomber, rapidement, très bas.
C. B. - Donc l’incertitude demeure ?
J. L. - Toujours. C'est ma préoccupation première. C'est pourquoi je ne changerai pas ma façon d'être et de faire. Il faut savoir être humble. Croyez-moi !
C. B. - Il fut un temps où un tel succès vous assurait un Passeport pour l'avenir ?
J. L. - Nous vivons une époque radicalement différente. Le contexte économique est très difficile. Les propriétaires sont plus réfléchis, plus gestionnaires, et l'aspect financier prend souvent le pas sur les coups de cœur. Tout peut être remis en cause du jour au lendemain.
C. B. - La victoire de Bitwood dans le Grand Prix d'Automne tient elle autant de place dans votre cœur que celle d'Urban Sea ?
J. L. - Tout à fait 1 D'autant que la victoire de Bitwood est une victoire sur le destin. On l'avait laissé pour mort et, un an plus tard, Il prouve qu’il n'a rien perdu de sa qualité. C'est tellement gratifiant. Pour moi, tous les succès sont beaux et Ils ont tous une histoire qui passe souvent inaperçue dans la majorité des cas. Bitwood a une histoire, Urban Sea aussi. Ces chevaux d'exception vous projettent sur l'avant-scène. Mais voir gagner un anonyme procure la même joie.
C. B. - Vous avez été affecté par les sifflets qui ont accueilli le succès de Bitwood ?
J. L – Oui il est dommage que la victoire de ce cheval soit ternie par l'incompréhension de certains. Il est vrai que Bitwood avait fait une rentrée en demi-teinte, mais pouvait-on lui demander d'être au top après douze mois d'absence à Auteuil ? il était encore un peu hésitant pour sa rentrée. Il faut dire quant même qu'il était resté K.O. sur cette piste à la suite d'une chute très grave. Il lui a fallu reprendre confiance. Je Il avais préparé pour donner le maximum pour sa rentrée, sans futur objectif, mais Il y a aussi le facteur psychologique. Bitwood n'est pas une machine, et ce facteur est difficile à maîtriser. J'ai toujours eu de bonnes relations avec le public et les joueurs. Mes chevaux courent toujours pour gagner.
C. B. - Revenons à Urban Sea. Elle reste à l'entraînement à 5 ans ?
J. L. - Elle dispute la Japan Cup d'abord. Si elle ne se blesse pas, vous la reverrez en principe l'an prochain. J'attends beaucoup de la course au Japon. Elle a fait un galop extraordinaire avant de partir. Mon fils Clément, qui l'accompagne dans tous ses voyages, m’a téléphoné pour me dire qu'elle a bien voyagé et qu'elle s'adapte parfaitement à son nouvel environnement. L'opposition est de taille, mais j’ai confiance en elle.
C. B. - Qu'est ce que vous attendez de l'avenir ?
J. L. - Que les chevaux m'apportent encore de belles satisfactions dans la mesure où je n'envisage pas de vivre sans eux.
C. B. - Leur avez vous donné plus de vous-même que ce qu'ils vous ont apporté ?
J. L - Disons que je leur al donné beaucoup de moi-même et qu'ils me l'ont rendu. Un petit peu. . .
23 avril 2014 LESBODES Jean created with Wix.com