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                                                La passion jusqu’aux larmes      Claude Beniada– Week End

 

                                         De mai 1968, où il commence à entraîner son premier cheval, au 3

                                                                                    octobre 1993,

                                         date de sa victoire dans l'Arc de Triomphe, cela fait vingt cinq ans

                                                                             que Jean Lesbordes

                                      se bat contre l'adversité. Un autre entraîneur aurait déjà baissé les bras.

                                                                                    Pas lui.

                                                      Aujourd'hui, il recueille les fruits de sa passion.

 

Jean Lesbordes est un homme qui n'a pas honte de ses émotions. Dans un monde dur, où la vie est un éternel combat, Jean Lesbordes réagit de la manière la plus noble qui soit : avec son cœur. Personne n'a oublié ses larmes de tristesse quand son champion, Collins, s'est tué, le 22 mers 1992, à Auteuil. Personne n'oubliera les larmes de joie qu'il a versées quand Urban Sea a gagné l'Arc de Triomphe, dimanche dernier, à Longchamp.

 

Jean Lesbordes vous regarde. Il ferme les yeux Il moitié, plie les lèvres et les tord dans une grimace qui lui est bien particulière. Il vous parle sur le ton de la confidence. Il a gagné l'Arc mais sa vie n'a pas basculé pour autant : Je suis toujours le même et je resterai toujours le même : cet homme venu du Sud-Ouest, Il y a sept ans, qui a connu beaucoup de hauts et de bas. Plus de bas que de hauts, d'ailleurs. Cette victoire dans l'Arc est la victoire d'une équipe. La victoire du travail. Mais elle ne va pas me changer. Je pense si fort à mon père, qui a été mon plus ardent supporter. Il s'appelait Jean, comme moi, et Il est décédé en juillet dernier. Il n'aurait pas aimé que son fils prenne la grosse tête pour avoir gagné l'Arc. ..

 

Casquette éternellement posée sur sa tête le matin, chapeau vissé sur le crâne l'après-midi, Jean Lesbordes a gardé la foi de sa jeunesse. Pour un métier qu' il aime par-dessus tout et qui vient de lui payer enfin les dividendes de son labeur. Acharné. De tous les instants. Un métier qui, quand on l'aime, ne demande pas de récompenses. On les apprécie pourtant par-dessus tout quand elles arrivent, on les savoure, le mot toujours juste au bout de la langue :

 

« J’ai connu des «galères » quand M. Blizniansky, après m'avoir fait venir à Paris, a liquidé son effectif.

« Quand M. Dabaghi lui a retiré, sans un mot, les trente chevaux que j'entraînais pour lui.

« Quand M. Sawada a fait faillite, Mme et M. Tsui, associés à Mlle Oung, sont arrivés comme la providence. Le coup de massue encore quand Il a fallu passer en vente tous ses chevaux pour dissolution d'association, l'an dernier, avant l'Arc. Mais M. Tsui a tout racheté. San. Bruit. Je ne peux pas oublier ce que je dois à David Tsui ni à la chance qui a mis entre mes mains une pouliche comme Urban Sea. ». Jean Lesbordes va au bout de se passion, des obstacles que la vie a dressés sur son chemin. Entouré de sa femme, de sa fille, Ena, étudiante en mathématiques à Canterburry et .de son fils, Clément, partenaire attitré d'Urban Sea tous les matins.  

                                                                  

                                                                         Une humeur toujours égale

 

Les difficultés, les dettes payées au jour le jour quand la victoire est au rendez-vous, Jean Lesbordes les affronte avec une humeur toujours égale. Le doute peut parfois s'installer, la nervosité prendre les devants, Jean Lesbordes rétablit toujours la situation. Se rendant dans la tribune, ce dimanche, pour assister Il la deuxième course, se tenant très droit, la main appuyée sur la rampe de l'escalier mécanique, et les yeux perdus dans le vague, Jean Lesbordes pense. Une heure et demie avant son triomphe dans l'Arc, aucune tension ne semble l'habiter. Fausse Impression. Il ronge déjà son .frein. L'attente est Insupportable.

 

Quand' Urban Sea franchit le poteau en vainqueur, un torrent de larmes coule de ses yeux, vite essuyé d'un revers de manche du manteau bleu marine. Le chapeau n'a pas bougé de place. La fierté se lit sur son visage quand il ramène sa championne aux balances, sous les applaudissements.

 

Une heure a passé : Jean Lesbordes a les yeux rouges. De petites traînées marquent ses joues. Il tourne en rond, assailli de toutes parts. Sait-il encore à qui Il parle quand Il lance : «J'ai versé des larmes de joie et des larmes de nerfs. J'ai évacué, en quelques instants, toute la tension qui m’habitait. C'est avant la course que cela a été le plus dur. Après, on "laissa aller à sa joie, sans peut-être réaliser tout à fait ce qui arrive. »

Une question à son fils pour savoir si Urban Sea, déjà repartie à Chantilly, a bien récupéré, un mot pour dire qu'il va passer tranquillement la soirée avec M. Tsui, et Jean Lesbordes se retourne déjà vers son prochain interlocuteur.

 

Dimanche, Jean Lesbordes a remporté sa plus belle victoire, mais l'homme est resté affable, disponible. Il a toutefois fait une exception : il a enlevé son chapeau pour saluer la foule, et une seconde fois à l'écoute de « La Marseillaise ».

 

Finis les tracas ou pas, Jean Lesbordes sera, quoi qu'il arrive, tous les matins, au bord de la piste des Lions ou à Lamorlaye pour superviser, ses sauteurs. Il sera seul, ne dira rien et la petite grimace aura disparu du bout de ses lèvres. La casquette aura remplacé le chapeau.

 

Mais l'homme sera resté le même..

23 avril 2014 LESBODES Jean created with Wix.com

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