

JEAN LESBORDES

Lorsqu'il retire le petit chapeau rond de l'entraîneur "mode", (à bas la casquette !), une bouclette préformée façon Baby Liss, se relève au-dessus de chaque oreille. Quand même : où va se loger la déformation professionnelle ! Il attrape un coin de feuillet qu'il grignote en parlant : j'en reste "baba" : non seulement il possède plus que les cinquante mots du jargon obligatoire de l'entraîneur type, mais la diction est impeccable. Il montre sa pipe sur le bureau : "Quand j'ai arrêté de fumer, j'avais encore moins d'ongles que maintenant. (Qu'est-ce que ça devait être ! NDLR). "C'est normal, je fais un métier qui se vit avec les tripes, mais comme les chevaux susceptibles, je commence à me calmer.
"Pur-sang Landais (c'est nouveau, ça vient de sortir) rien ne destinait Jean Lesbordes à la profession. Un père médecin (et turfiste), une mère "au foyer" et en cherchant bien, un atavisme du côté d'un grand-père marchand de chevaux et de mules. Courses tous les dimanches avec "papa" : saine activité pour cet enfant de bonne famille, débauché à tout jamais par ces satanés quadrupèdes.
Premier stage alors qu'il est encore étudiant au Haras de la Beauvoisinière, grâce à l'intervention d'une amie de la famille Mme Daubin (la mère de Jean-François). Il monte à l'entraînement à Bordeaux, effectue un stage chez René Pelat, et déjà, ses études le poursuivent plutôt que l'inverse. "Travailler dans un bureau, même si j'en suis capable : l'enfer." Il sait qu'il a trouvé sa voie, et fonce en formation chez Pierre Pelat, laissant son ex-futur diplôme de bac là où il était. Assistant et entraîneur pour le Dr Dumeau, de Niort, pendant un an et demi, il devient ensuite entraîneur particulier pour M. Donzeau, "un client difficile". Et en 1973, il s'installe à Pau "le Centre d'entraînement du Sud-Ouest qui me paraissait le plus adapté".
Depuis, il se ronge les ongles et rêve de courses classiques. "Ma première victoire parisienne en plat, même pas classique, avec Asnelles dans le Prix Joubert, m'a procuré la plus grande joie de ma carrière. Si je pouvais me passer de l'obstacle, je le ferais car je vieillis mal: même avec un bon sauteur, j'ai peur. J'ai encore failli m'évanouir dans le Président cette année. "
Dérobades :
. Votre première pensée en vous levant le matin ?
-"Quelle course je vais pouvoir gagner ?"
.Le meilleur moment de la journée ?
- "Quand je me couche. "
.Votre bête noire dans le métier ?
"Les pépins. "
.Une personnalité admirée dans le monde des courses ?
- "Tous les grands professionnels auxquels je voudrais ressembler!..., "
.Le défaut qui vous irrite le plus ?
- "La paresse. "
. La qualité que vous appréciez le plus ?
- "L’honnêteté. ".
.Un autre métier que vous auriez souhaité exercer ?
- " Vétérinaire. "
. Passe-temps favori ?
- "Le sport. J'étais mauvais partout, mais j'ai tout fait. "
. Un rêve fou ?
- "Gagner l'Arc de Triomphe. "
. Le dernier livre que vous avez lu ?
- "Tous ensemble" de François de Closets. "
. Le dernier pays que vous avez visité ?
- "Le France !"
. La qualité que vous vous reconnaissez ?
- "Travailleur. "
. Et le défaut ?
- "Je ne suis pas bavard, mais je considère plutôt cela comme unequalité : moins on parle, et moins on dit des bêtises. "
L’équipe :
Les hommes :
Les chevaux :
Nombre : 29.
Ages : 10 yearlings, 8 chevaux de trois ans, une dizaine de quatre ans et plus.
Disciplines : seulement 4 ou 5 courent en obstacles.
Origines : de partout, mais beaucoup de Normandie."Nedjmo a été acheté 5 000 F aux ventes de Deauville en novembre 1980. Green Printed vient également de Deauville (79), acquis pour 25 000 F. Quant à Coquet, il provient de l'élevage de M. Seguinotte !
Les cracks : Nedjmo, Très Sport (qui court en plat et en obstacles).
Les espoirs : Prince de la Tour (frère de Très Sport), Royal Nini, Grande Fâche, Primoss, Salutiste, et Trépide (inédite).
Une originalité : A eu un Anglo-arabe à 50 % vendu au Haras de Pau : Sidi Ghiles. "Moi, les Anglos, je les entraîne comme les purs : de toutes façons, ils sont destinés à être cheval de courses !"
Les hippodromes fréquentés : Tout le Sud-Ouest (dont les petits
9 employés plus deux apprentis Luc Lévesque et Patrice Lair.
Premier garçon : Jean-Michel Couderc. . Garçon de voyage : "C'est moi !"
Les jockeys : en plat, J. Beulay en 86,"Mais il ne sera pas forcément première monte à Paris".
En obstacles, G. Decla est première monte, "même s'il ne travaille pas à l'écurie. A mon avis, le véritable secret de l'obstacle, c'est le jockey. A l'entraîneur, de savoir former le couple". Les amateurs : "Jusqu'à présent P. Adda pour les chevaux de M. Blizniansky… On verra cette année pour un autre Gentleman. En cavalières, je n'ai jamais couru, car je n'avais pas de cheval pour ce genre d'épreuves." (Qu'ont-elles donc de si spéciales les courses de cavalières? NDLR).
Les casaques :
G. Blizniansky, Mme H. Cazajus, Ecurie Garhaïza, G. Juppé, Mme J. Larrieu, Mme H. Nobili Rouzaud, Mme J. Saucède, J. Seguinotte, P. Valencia, et la casaque familiale J .M. Lesbordes
Champs de courses, pour tester le cheval, et Paris.
Les pistes : le Centre d'entraînement de Sers à Pau. Les tics : -"II n'existe qu'une façon de vérifier si le cheval est bon : la course. Même Nedjmo qui était tardif "une brouette le matin ", je l'ai couru à 2 ans, et je me suis rendu compte de sa qualité. Cela coûte tellement cher à tout le monde qu'il ne faut pas embarrasser ses boxes. Je sélectionne énormément, et je le dis rapidement aux propriétaires. "
L'eau a coulé sous les ponts depuis une fameuse journée à Clairefontaine, où il termine 2° à 100/1 avec une jument oreillarde, ensellée et tardive, appartenant à M. Blizniansky. Depuis, celui-ci lui a accordé sa confiance et lui met régulièrement des chevaux à l'entraînement. En 1982, Jean Lesbordes s'est rendu propriétaire de son établissement à Pau. Sinon, il aurait peut être hésité quand une offre d'installation à Paris lui est parvenue cette année. Tout bien réfléchi, pas de regret : "Je suis plus entraîneur que relations publiques et je ne me serais sans doute pas adapté à la vie parisienne. "
Points chauds dans le désordre
Les charges, encore et toujours : "Nous représentons une industrie qui n'est pas suffisamment prise en considération."
Les programmes : "Ils sont bons quand on a un bon cheval ! Pas de critique systématique : on a trop tendance à vouloir tout révolutionner, mas il faut dire ce qu'on pense pour qu'il en jaillisse une amélioration, et ensuite, à chacun d'adapter ses chevaux aux programmes."
Les handicaps : "Revendication éternelle. Je suis partisan de la proposition d'Yves Décrion : Un système de deux maiden, avec une pénalisation différente. Le handicapeur est un homme et il peut se tromper, mais il ne faut pas tromper le handicapeur. ..
La décentralisation : "
Le jour où l'on ne fera plus de différence entre Paris et la province, on parlera des courses en France. Les métropoles auront alors peut-être des équipements d'entraînement et de champs de courses corrects." La promotion des courses : "Le milieu des courses n'a pas su s'adapter à la vie moderne. Personne n'est à critiquer en particulier, et tout le monde est responsable, mais il est malsain de tirer à boulets rouges. Les crises de sociétés ne sont pas dues à des incompétences, mais à des usures de pouvoir. Il est difficile d'être le premier et encore plus dur d'y rester, en tant qu'entraîneur, je me remets en question tous les jours. Si je ne le fais pas ce sera la dérive. On ne vit pas sur ses acquis. Le temps est venu de remettre le bateau à flots, même s'il faut se jeter à l'eau et même si ce n'est pas la saison."
Et puis, Jean Lesbordes refuse le complexe d'infériorité qui semble coller à bon nombre d'entraîneurs provinciaux. Il est sûr de ses capacités el des possibilités d'entraîner un bon cheval :"Si j'avais un classique, je sais que je pourrais l'entraîner ici. Seul impératif : une vraie course en guise de dernier galop avant une grande épreuve. "
Les transports?
Ce n'est plus un problème : l'amélioration conjuguée des vans et du réseau routier permet d'amener le cheval à Paris simplement pour le jour J. "1/ n'y a qu'à prendre modèle sur l'Angleterre où les chevaux voyagent partout. " Il a pratiquement terminé son coin de feuillet, et moi, j'ai une crampe dans la main droite. '
On me l'avait décrit pas bavard, permettez-moi de sourire !
Quand un passionnée parle de sa passion, le scribouillard d'en face officie à perdre haleine. Les tripes et la foi sont mères de déluges verbaux... et ennemies des "grosses têtes" :
Si un jour, je ne peux plus faire face, je me ferais embaucher dans une écurie et je ne me sentirai pas déchu !". Chapeau ! (Ah, non : c'est déjà fait !) Françoise Mingat
Par Françoise Mingat dans Galop Information
23 avril 2014 LESBODES Jean created with Wix.com