

JEAN LESBORDES

JEAN LESB0RDES
Le seul "polyvalent" qui rapporte de l'argent !
Nathalie Carter
Un nez imposant qui se profile sous un chapeau mou, rabattu sur l'œil. Un chapeau très seyant, ma foi. Et si souvent porté qu'il en devient essentiel et que l'on s'affole un peu quand son propriétaire l'ôte, comme s'il enlevait, d'un geste négligent, sa calotte crânienne pour la mettre au vestiaire. On rougit. On s'inquiète. On se dit : c'est un indécent... cet homme sans crâne va prendre froid.
Et quand, le lendemain, à Longchamp, ou Evry, on voit de loin, dans le rond de présentation, une silhouette haute et penchée vers l’avant, qui marche à pas nerveux. 'Ies mains liées derrière le dos sans doute pour ne pas qu'elles s’échappent- on vérifie avec soulagement que la greffe a eu lieu. le chef est couvert à nouveau. Pourvu qu'il n'y ait pas de cicatrices...
~DE PAU A LONGCHAMP
Cet homme, je vous le confirme - n'est pas seulement un nez surmonté d'un chapeau. Il est aussi entraîneur de chevaux de courses.
D'ou vient-il ? Il suffit, pour le savoir et si on a le goût des questions indirectes - de lui demander l'heure. Ou il voit neuf heures et demie ou cinq heures moins vingt, en quatre mots, on est fixé : cet entraîneur est natif du Sud-Ouest.Où va-t-il ? D'une course de haies, à une course de groupe. De Pau à Paris. Du Pont Long à Longchamp. D’Hollykawa, la mascotte, à Boyatino, le crack. Aujourd'hui, d'une victoire à l'autre.
Son nom ? Eh bien, il serait peut-être le temps de le mentionner : Jean Lesbordes.
Son histoire ? Celle d'une réussite, évidemment, sinon, on ne la raconterait pas dans ce journal. Il est d'usage de commencer une histoire par son début les usages sont ennuyeux, mais il faut parfois s'y conformer.
Voici :Jean est né à Mont-de-Marsan, dans les Landes. Il ne vient pas, comme tant de professionnels, d'une famille où l'on entraîne de père en fils depuis des décades.
~UNE MALADIE INCURABLE
Un jour, il suit son père aux courses - qui aime les chevaux en spectateur - et tombe gravement malade. Une maladie terrible :" l’hippophilie", connue aussi sous le nom de "Turfomanie". C'est depuis ce jour-là 'qu'il se ronge le sang et les ongles... On essaye des traitements : l’école, par exemple. Peine perdue : sitôt les vacances. Jean file dans les haras du coin, et c'est l'inévitable rechute.Décidément incurable, Jean décide courageusement de mettre son mal à profit et d'en faire un métier (ça ne marche pas pour toutes les maladies') Il entre, en 1965, comme stagiaire chez un certain Monsieur Pelat - atteint du même virus, d'ailleurs - à Maisons-Laffitte.
En 1967, il est entraîneur particulier de l'effectif du Docteur Dumeau, à Niort. Ensuite, il émigre à Toulouse, où pendant une année, il entraîne – particulièrement, toujours -- pour Monsieur Donzeau.En 1971, il entre dans le domaine public, à Pau. Elle est dure, la traversée du désert palois Pendant six années maigres, Jean Lesbordes "tourne" avec six chevaux. Il s'entête. Voilà qui en dit long sur le caractère de l'homme' courage et obstination sont les mamelles dont la réussite est alimentée... sans oublier le coup de pouce de la chance. Un jour,- Monsieur Bliznianski propriétaire et éleveur, confie un cheval au jeune entraîneur. Puis deux, puis vingt. Les résultats sont bons, très bons. Jean Lesbordes - toujours palois - se trouve à la tête d'un effectif de trente chevaux, surtout des chevaux d'obstacles.
~BOYATINO LE DÊCLIC
"II faut monter à Paris", insiste Monsieur Blizniansky.
"Monter à Paris... J'y venais pour courir, mais de là à m'y installer... C'était un rêve" - dit Jean Lesbordes, aujourd'hui - "Je ne m'en pensais pas capable. J'ai hésité deux ans, encore. Je voulais être sûr de "mon matériel". Et puis, il y a eu Boyatino, un deux ans, tardif, mais sur lequel je fondais de grands espoirs. Sa mère, Boyarina, était une jument qui m'était arrivée de Paris. Inutilisable. Monsieur Blizniansky l'avait mise au haras. C'est Boyatino qui m'a décidé à tenter l'aventure parisienne. C'est lui, le pivot de l'histoire'''
Et quel pivot :
"Mais, je me suis juré une chose : si cela ne marchait pas à Paris, quoi qu'il advienne, je ne retournerais pas en province, quitte à travailler chez un autre.Aujourd'hui, encore, si les choses tournaient mal, s'il fallait mettre la clé sous la porte, je ne quitterais pas les chevaux, mais je ne reviendrais pas entraîner à Pau ou ailleurs qu'à Paris.
. Ma conception de l'entraînement est telle que j'ai toujours eue du mal à me plier aux conditions de travail de la province. "Ce n'est pas une critique, ou une fanfaronnade. C'est une constatation",Je rassure tout de suite le lecteur angoissé : il n'est pas vraiment question pour l'instant que Monsieur Lesbordes mette la clé sous la porte de ses boxes...
Reprenons :
~ DE L’ENFER AU PARADIS
Octobre 1986 : Jean Lesbordes arrive à Lamorlaye avec une vingtaine de chevaux : presque la totalité de l'effectif Blizniansky. D'emblée, il a de bons résultats dans les deux disciplines. "Je suis discret, vous savez. Je me suis mis dans mon coin. J'ai fait mon travail. J'ai plus essayé de me faire admettre par mes confrères parisiens que de m'imposer".
Dans son petit coin sombre, comme il le dit, quelqu'un - entre autres professionnels -le remarque' Frédéric Sauque, courtier."Je ne connaissais pas Jean Lesbordes. Pendant un an, j'ai observé ses chevaux. Au paddock, surtout. Quelle que soit la discipline, quels que soient les résultats obtenus, ses chevaux "sortaient du lot". Ils étaient toujours dans un état magnifique. J'ai proposé à mes clients - notamment à Monsieur Dabaghi. - de confier leurs chevaux à Jean Lesbordes. Personne n'a lieu, aujourd'hui, de le regretter"
~ SOIXANTE CHEVAUX ET CINQ CRACKS
Jean Lesbordes entraîne maintenant une soixantaine de chevaux. Au hasard, et dans le désordre, ouvrons quelques portes de boxes :Boyatino, gagnant du Grand Prix du Printemps,- Groupe Il, troisième du Prix de l'Arc de Triomphe... Généreux Génie, quatrième, cette année, du Prix Foy, deuxième du Grand Prix d'Evry, et du Prix Dollar...Collins, crack d'Auteuil...Trebrook, polyvalent, comme son entraîneur. De plus en plus rare, à notre époque : d'un sabot, il gagne la Grande Course de Haies d'Eté, à Auteuil, des trois autres, il arrive second dans le Prix Kergorlay, Groupe Il, et dans le Prix Gladiateur...
Ah : Quelques jeunes : Rose de Crystal…. âgé de deux ans, à Monsieur Dabaghi, deuxième de la Poule d'Essai des Pouliches... Chalabiah, une autre adolescente qui vient de gagner facilement "son maiden" à Longchamp... Bon, j'arrête.
Chapeau, Monsieur Lesbordes, et c'est le cas de le dire'.
23 avril 2014 LESBODES Jean created with Wix.com